Commercialiser la surface lunaire en contournant les traités de 1967 et 1980

Bonjour,

J’ai une idée qui me taraude depuis un moment, je l’ai retourné plusieurs fois dans ma tête avant de me jeter à l’eau…je crois qu’il est temps de vous la proposer.

Je suis de culture scientifique et aime pouvoir justifier ce que j’avance et suis très attaché à la construction du savoir.

Je m’attaque ici à un domaine dont je ne suis pas spécialiste, le spatial, avec une idée basée au mieux sur des estimations de Fermi. J’ai tout pour me perdre en ultracrépidarianisme.

Je ne souhaite pas polluer le forum de quelque chose insuffisamment réfléchi. Le site de l’OSM est très riche pour un néophyte, j’espère ne pas passer à coté de vos recommandations.

Je me permets ce cadrage en préambule car mon idée est, je crois, particulièrement ambitieuse et originale si bien qu’elle pourrait paraitre folle de prime abord.

J’aimerais en discuter avec des gens bien plus compétents que moi et me faire accompagner, parrainer, conseiller pour la formaliser au mieux, avant de lui donner sa chance.

Ou bien, que l’on m’explique en quoi je fais fausse route.

Je l’imagine viable économiquement à moyen/long terme.

Mon souhait profond est de la voir se réaliser et que l’on m’en reconnaisse à minima la paternité. (Vous n’êtes pas les premiers à qui je la partage, je garde ainsi plusieurs écrits datés)

Je souhaite m’investir dessus, la développer et qui sait… mais je ne parviendrai à rien sans le concours de gens passionnés et bien plus qualifiés que je le suis.

Je fais un peu de teasing, vous comprendrez ma prudence épistémique à mon énoncé.

Je crois avoir une idée permettant de « commercialiser la surface lunaire », en contournant poétiquement les traités de 1967 et de 1980 sur « l’appropriation » du spatial.

Ce, en se basant sur des technologies existantes ou en cours de redéveloppement (atterrisseurs notamment) par des acteurs privés, qui seront sans doute enclins à amortir leur frais de R&D…

Je pense qu’il n’est pas utile ici que je rappelle la période d’émulation (avant Covid) que nous traversions avec l’émergence d’une foultitude d’acteurs spatiaux, le « new space », et des coûts annoncés de mise en orbite de l’ordre de 5000$/kg.

« Vendre la Lune » :

L’une des subtilités de mon idée réside dans ma conception de la notion de propriété.Je m’explique.

Dans l’espace public je distingue ce que j’appelle la « propriété de fait ».

Je confesse mon inculture en droit, ce concept existe certainement sous un autre nom, et je redéfinis probablement ici l’eau chaude.

En gros et avec mes mots. Quand on va à la plage ou sur un banc ou autres lieux publics, l’espace que nous occupons est le notre. C’est notre place pendant que nous l’occupons, de « fait », jusqu’à ce nous décidions d’en partir ou qu’en cas d’abus ou de squat ; qu’on nous le demande, qu’on nous y oblige ou bien que l’on nous remplace.

Toujours à la plage si je décide de construire des châteaux de sable, ceux-ci sont les miens si j’ose dire, jusqu’à ce que quelqu’un ou l’érosion vienne les détruire.

Rien ne m’empêche de vendre le fait de construire ces châteaux de sable à d’autres aussi futile et fugace cela soit-il. Tant que je ne gène personne.

Avec cette conception je contourne la notion de propriété et ses titres dans le champ public. Du moment que personne n’est en mesure de me dire que c’est déjà légalement chez lui pour me demander de partir ailleurs faire ce que je fais.

« C’est les miens, c’est les miens, séléniens…. » :

Ce concept décliné à notre astre suppose d’occuper la surface lunaire, « de fait », de sorte que seuls ceux, assez fous pour dépenser autant que nous à nous remplacer, puissent nous empêcher.

Peut être aurez-vous déjà compris là où mon insolite inspiration sélénite veut en venir.

Comme vous le savais, sur la Lune il n’y a pas d’atmosphère et donc pas de pluie, de vent ou de marée ni même d’érosion, hormis solaire qui est imperceptible à l’échelle de civilisation humaine.

Si bien que si nous laissons une trace, une empreinte sur ce sol poussiéreux, elle y reste presque pour toujours, à l’image des traces de pas, de roues du programme Apollo.

Je souhaite ainsi envoyer un rover solaire empreinter* le sol lunaire, afin de dessiner et écrire sur le régolite comme nous le faisons à la plage dans le sable.

*néologisme venu d’ « empreinte »

Qui et au nom de quoi, pourrait m’en empêcher ? Les autres rovers d’exploration, eux, laissent bien de traces qui n’ont aucun sens.

Je souhaite vendre ces surfaces empreintées en jouant sur le marché de l’égo.

Ce même égo qui pousse certains à marquer leur nom et la date de leur passage sur les grands monuments publics, à construire des iles en forme de palmier… des mégalos, des amoureux, des rêveurs d’éternité…

Imaginons que nous vendions un carré de 50cm d’empreinte au sol à 500$.

Cela représente 2000$ le m², soit 20 millions de $ l’hectare de sol lunaire empreinté…sous réserve de fiabilité du rover.

Le bénéfice n’est pour moi qu’un indicateur pertinent de gestion pas une fin en soi.

Je ne souhaite que des messages positifs, j’y tiens. Avec l’ambition de laisser à terme, un monument lunaire pour les astronautes ou les astronomes amateurs des générations futures comme les géoglyphes de Nazca. Je rêve de laisser la primeur à Banksy… Que le premier acte commercial lunaire soit artistique me plait. Des artistes et non des mineurs (j’ai un immense respect pour ces derniers ceci-dit)

On empreinte en 3D une surface et on peut donc jouer avec la rugosité (Je suis amateur de fractales et de dimensions intermédiaires), sculpter le sol, jouer sur les ombres comme les « noir-lumière » ou « outrenoir » de Pierre Soulages.

En fonction de certains angles de lumière, dates ou moment, tel un Stonehenge. Il y a ici beaucoup à calculer et tant de techniques qui m’échappent, artistiques notamment (je pense à cet art de jardin japonais avec des cailloux ratissés).

Je suis dans l’incapacité d’évaluer précisément le coût d’une telle entreprise, mais dans un contexte de démocratisation et de réduction des prix de l’accès à l’espace, de progrès en robotique et en fiabilité, de prochains atterrisseurs lunaires déjà en développement et à rentabiliser, l’émulation de tous ces nouveaux acteurs privés; je suis convaincu qu’à moyen/long terme mon idée trouvera son sens économique.

Je souhaite quantifier son coût global au mieux avant de pouvoir démarcher des institutions ou partenaires idoines.

Dans un premier temps je cherche à me faire critiquer. Je veux dire par là que si cette idée est infondée je souhaite m’en rendre compte au plus vite. N’étant pas spécialiste je manque très certainement de recul.

Ensuite, si comme je l’espère elle fait sens, je recherche tous types de soutiens et de bonnes volontés. Je ne parviendrai à rien seul, et je veux croire en vous, en notre génie collectif, en votre apport.

Bien à vous.

Bonjour Mathieu et bienvenue !
Tu as effectivement suivi la démarche recommandée dans le cadre Fédération pour proposer un nouveau projet :slight_smile:

De ce que je comprends, ton projet est avant tout un modèle d’affaires, qui s’appuierait sur des technologies existantes. En première réflexion, je me dis que pour y répondre, tu achètes un emplacement dans l’atterisseur Peregrine d’Astrobotics, tu y glisses un rover commercial pour se déplacer sur la Lune, et ensuite tu lui envoies les instructions pour réaliser les empreintes envisagées.

En ce qui concerne la philosophie elle-même, ça me fait quand même beaucoup penser aux projets d’Uwingu à l’époque (payez pour nommer des caractéristiques géologiques de Mars, et pour nommer des exoplanètes), pour celles qui étaient lancées à des fins de bien commun (recherche, éducation), voire à ceux qui étaient purement et simplement des opérations fraduleuses (vendre des terains sur la Lune). Il me semble quasiment évident que ce business model va être mis dans une de ces catégories, à moins que dès le départ il soit hyper clair que ça n’y est pas.
Je rappelle sur ce point une des valeurs fondamentales de Fédération, inscrite dans sa charte : la Responsabilité. Les projets menés dans le cadre Fédération se doivent de respecter les lois et réglementations applicables. Quand on parle d’exploiter une zone grise, on est clairement dans un cas qui fait appel à une attention toute particulière du Cercle Réglementation de l’association Open Space Makers.

J’espère que ça contribue un peu à faire avancer ta réflexion !

Bonjour Damien et merci pour cet accueil et ce retour constructif, qui me fait avancer dans ma réflexion. :grinning:

Je comprends dans tes mots que tu ne trouves rien à redire sur la faisabilité technique ou conceptuelle de mon idée.
Cela me ravi, car c’est un point sur lequel je manque de certitude.

Tu viens aussi de me faire toucher du doigt que mon intitulé, quelque peu racoleur, n’est pas opportun. Il renvoie à des projets dont je tiens à me distinguer.
Je pense que plutôt que de parler de vendre ou commercialiser la surface lunaire, je devrais parler de « service d’impression lunaire » qui ne constitue en rien une appropriation.

En fait, je table sur la dimension de notre astre, dont la surface est comparable à l’Asie, ainsi que sur les coûts de déploiement qui me donnent à penser qu’il serait peu probable que d’autres viennent effacer ces impressions lunaires. Ce qui dans une certaine mesure assurera leur pérennité et donc leur valeur pour quelques décennies j’espère.

Je viens de survoler les offres d’Astrobotics, ai-je bien compris qu’ils proposent un service logistique complet, du lanceur à l’atterrisseur, ou doit on encore ajouter le coût de mise en orbite?

Je viens de m’essayer à configurer une mission sur leur site.

Je m’avoue perdu, ne sachant définir le taille, la masse, la puissance du rover, ni même son lieu atterrissage. J’ai un manque criant d’expertise sur ces points et me rend compte que je suis incapable de définir techniquement mon projet. Je vais avoir besoin d’aide sur ces points.
Comme tu l’as bien résumé je propose avant tout d’un modèle d’affaire.

Reste aussi la technologie d’impression à définir ou à développer.
L’idée n’étant pas de laisser de simples traces de roues, mais de faire un patchwork à plusieurs échelles de lecture.

Et c’est là qu’il n’est pas sûr que Fédération soit le cadre le plus pertinent pour le développement de ton projet. La vocation de Fédération est avant tout de favoriser le développement de projets de façon ouverte et collaborative, et qui puisse bénéficier à tout le monde.
Ici ton modèle d’affaires a certainement à l’idée le lancement d’une entreprise privée à terme ? Donc quelle adéquation avec le contexte Fédération ?
A moins que tu ne vises à créer une association à but non lucratif ou une fondation (ce qu’a tenté de mettre en oeuvre Uwingu) à vocation d’intérêt général, ta demande d’accompagnement sur des décisions techniques vis-à-vis d’une communauté bénévole peut être mal comprise.
Je pense qu’avant même de rentrer dans les détails des aspects techniques, ce point a besoin d’être bien clarifié.

Et la meilleure façon d’obtenir des détails sur les services fournis par Astrobotics, une société privée à but lucratif, est de poser directement la question à leur service client :slight_smile:

Bonjour, je vais tenter de vous donner quelques éléments de réponse, ce sujet est au cœur de certaines de mes études. Vous voulez donc utiliser le sol lunaire pour dessiner une empreinte, vous en avez parfaitement le droit. Les discussions vont devenir sérieuses si vous empreintes prennent trop d’altitude.

Puis vous voulez vendre cette chose ; s’il s’agit d’une image de l’empreinte, je ne vois aucun problème, libre à vous d’entreprendre, monter votre startup, trouver les dizaines de millions d’Euros pour envoyer le rover en passager, l’exploiter et commercialiser les images ou vidéos. Je pense que certains Terriens seront prêts à acheter ce genre de chose, une startup Française vend en ce moment des cartes postales qui ont simplement fait l’aller-retour dans l’espace.

S’il s’agit d’un titre de propriété de 0.25m² de surface de Lune, là vous n’avez pas le droit, article 2 de l’OST67. Tout comme vous n’auriez pas le droit de vendre 0.25m² de la plage de sable citée dans votre exemple.

Et puis, cela pourrait être vu comme l’exploitation d’un astéroïde, en ce moment, sujet à de nombreux débats. Les Etats-Unis ont déclarés en 2015 que c’était commercialement possible, suivis de près par le Luxembourg, et les EAU. Au grand dam de beaucoup d’autres pays, qui clament haut et fort que l’espace et les astéroides sont des « Commons » de l’humanité, dont l’exploitation doit être régulée comme les hauts fonds marins des zones internationales. Beau sujet de discussion et de colloques, fermé sine die par les USA en avril dernier avec « l’executive order » qui a donné le top départ des accords Artémis, bilatéraux, signés à tour de bras par la NASA. Les Chinois associés aux Russes, commencent à faire monter la mousse diplomatique.

Donc vous êtes en plein dans le buzz, nous en parlions encore cette semaine lors du colloque SFDI à Toulouse, lors d’un session sur le droit international de l’espace.

Bien à vous,
DA.

Bonjour,
A vrai dire je n’ai pas de modèle arrêté.
Ce qui m’anime c’est de voir que cette idée puisse se réaliser. (Pour être honnête, je pense qu’il y a dans ce qui me motive une part d’égo et aussi l’envie de surprendre mon aimée.) Je ne suis pas sur une démarche vénale. Pour moi le bénéfice est avant tout un indicateur de bonne gestion.
J’ai la certitude que je ne parviendrai pas à mener cette idée à bien, seul.

Si je devais prendre la voie du privée ce ne serait qu’après avoir trouvé des associés bien plus compétents que moi techniquement.
Je comprend l’inadéquation d’un modèle privé dans le cadre de la fédération et ne veux pas abuser de celle-ci ou de ses membres.

Sinon, selon vous, quel serait le cadre le plus adapté au sein de l’OSM?
Car je n’ai rien contre l’idée d’un travail ouvert et collaboratif, bien au contraire, je vous ai sollicité en conscience. Que ce projet devienne notre projet.
Je voudrais alors savoir ce que sont les forces en présence et qui seraient intéressés par cette idée dans le cadre de la fédération.
Si nous parvenons à constituer une équipe de volontaire alors je ne me poserais même pas la question d’une structure associative.
Sinon, je reprendrai, mon bâton de pèlerin et m’orienterai sur la voie du privé.

Avec votre accord, je souhaiterais maintenir ce fil de discussion encore quelques temps avant de me décider, afin de continuer à brainstormer, voire de fédérer.
Bien à vous.

Bonjour Didier,
Je vous remercie pour votre contribution.
Je suis ravi que vous validiez « légalement » mon approche conceptuelle, sur la vente d’espaces lunaires empreintés.
Je confesse ne pas avoir saisi votre référence sur l’altitude des empreintes.
Vous parliez de buzz et pour aller plus loin dans ma réflexion, je me demande dans qu’elle mesure mon idée, vu le contexte que vous nous re-décrivez sur l’appropriation du spatial, pourrait être un atout d’image et de soft-power pour notre pays, voire pour l’UE ou l’ESA?

Que peut être, la nature politique étant ce qu’elle est, certains de nos décideurs se verraient bien s’incarner en JFK 2:0 (sous réserve d’un projet bien ficelé)
Bien à vous.